Lise Barnéoud

Journaliste scientifique autant par hasard que par passion, Lise Barnéoud est allée d’un bout à l’autre du monde pour en raconter les singularités. Depuis la Drôme, elle livre quelques éclats de vie.

« J’ai fait un mixte » sourit-elle, en pensant à son père enseignant et à sa mère médecin. Lise Barnéoud, « 40 ans pile cette année », est journaliste scientifique. En quinze ans de pratique, sa plume a été récompensée 8 fois, recevant notamment le prix de l’AJSPI en 2017. Ses boucles brunes attachées en chignon, l’ancienne athlète n’est que peu impressionnée par son propre palmarès.

« Entre 14 et 24 ans, je faisais du 400 mètres haie à un niveau national », se souvient-elle, regrettant de ne plus courir « que » 3 fois par semaine. Cet athlétisme en compétition serait l’une des raisons « de [ses] rats courant sur un tapis roulant » lors de ses études de biologie… Car si elle enchaîne aujourd’hui les articles dans la presse, celle pour qui « chaque papier est une investigation » n’a pas trouvé sa voie du premier coup.

D’une faculté de sport, elle bifurque vers un master de recherche en biologie moléculaire. Où elle faisait « courir des petites souris toute seule dans mon local », avant de les tuer « pour voir comment leurs mitochondries changeaient avec l’entraînement ». Quitte à en faire des cauchemars durant plusieurs nuits, confesse Lise Barnéoud derrière ses lunettes rondes.

D’un pôle à l’autre

Malgré tout, elle avance – à pas de souris – vers un doctorat. Dont elle s’extirpe in extremis grâce à son maître de stage, à qui elle confie des doutes sur sa thèse lors d’un « moment clé qui a tout décidé ». Il évoque le journalisme scientifique. « Je ne connaissais même pas ! », s’exclame-t-elle. « Quelques jours plus tard, je déposais mon dossier » pour entrer dans un master de journalisme scientifique à Montpellier, raconte celle qui reconnaît avoir « plutôt tendance à avancer tête baissée ».

En témoigne son expédition au Pôle Nord pour suivre un forage international, peu après un reportage en Antarctique sur la base de recherche française « pour me la couler douce par moins 60 degrés »… Un éclat de rire ponctue à nouveau ses mots. La quarantenaire se rappelle aisément de la date de ce second voyage en terre glaciale. « Le Pôle Nord, c’était en 2010, parce que j’étais enceinte de ma fille. » L’arrivée d’un deuxième enfant qu’elle a sciemment caché, par peur de ne pouvoir y aller. « C’était facile parce qu’avec le froid, j’avais plein d’habits ! », se marre-t-elle maintenant.

Deux mois après la naissance de sa fille et de retour dans la Drôme, Lise Barnéoud déniche l’idée de son livre Immunisés ? Un nouveau regard sur les vaccins. En cause ? La rougeole, contractée par son bébé avant d’atteindre l’âge du vaccin. L’air subitement inquiet, cette journaliste explique : « Sachant que je vis dans un bastion où bon nombre d’enfants ne sont pas vaccinés contre la rougeole, quelque part leurs parents étaient tous un peu collectivement responsables. Je me suis demandée comment j’aurais réagi si ça avait mal tourné. » Avec cet ouvrage, elle espère casser les préjugés de chaque camp en les poussant à « [essayer] de comprendre » les dessous de ce dossier polémique.

Un bout d’un tout

Cette pigiste, en s’emparant de son clavier, revêt les devoirs qu’elle accorde à sa profession. « Les journalistes ont un vrai rôle dans la société », assume-t-elle, « pour que les gens ne s’enferment pas dans leurs idées préconçues, qu’ils acceptent la démarche d’aller regarder d’autres choses, de se confronter aux faits », afin – entre autres – de « sortir de cette vision manichéenne de la vie en général ». Surtout, que ses lecteurs aient l’occasion de développer leur esprit critique.

Très sensible aux dimensions collectives, elle est « assez effarée de voir à quel point la société se divise sans prendre le temps de la compréhension ». Une stupéfaction qui l’encourage à mener ses propres enquêtes (la dernière en date) pour, peut-être, remettre en lumière des complexités. « Chaque année, je participe à au moins un projet financé par une bourse européenne, c’est génial parce que ce sont aussi des bourses d’équipe », témoigne-t-elle. 

Son affection pour la collaboration s’étend aussi à la relecture de ses papiers, pour lesquels elle avoue en riant « faire bosser pas mal de retraités » – soit ses parents et une voisine. L’infatigable conclut en énumérant ses projets : un nouveau livre sur la santé, un documentaire, peut-être une BD, des articles pour enfants, et moult enquêtes. « Je n’échangerais pas ma place ! »

Eléonore Solé