
L’AJSPI s’associe pleinement au communiqué des organisations syndicales représentatives des journalistes et des associations de journalistes contre le projet de décret que le ministère de la Culture s’apprêterait à publier. Ce texte vise à assouplir les critères d’attribution des aides à la presse, en revenant sur les principes relatifs aux publications de presse bénéficiant de tarifs postaux ou d’aides fiscales. Ce nouveau projet officialiserait la possibilité pour des publications ne comptant aucun journaliste professionnel, de bénéficier de fonds publics. Le communiqué est à lire ici.
Alors que la profession est fragilisée, que la précarité explose, et que l’intelligence artificielle s’étend dans les rédactions, l’AJSPI estime avec les organisations syndicales que l’État devrait affirmer un soutien clair à un journalisme rigoureux, éthique et incarné. Or, ce projet de décret, qui modifie l’article D.18 du code des postes et des communications électroniques, revient sur un principe fondamental voulu en 2022 et qui n’a pourtant jamais été ratifié : l’information aidée par l’État doit être produite par des journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail. Il remplace cette exigence par une formule floue : le « caractère journalistique » du contenu serait désormais évalué seulement en fonction de la taille, de l’objet ou de la périodicité de la publication. Autrement dit, le journalisme sans journalistes devient possible, légal… et subventionnable !
Le ver était déjà dans le fruit. Depuis trois ans, 80 publications ont déjà contourné la règle : recours à des statuts d’auto-entrepreneurs, à des droits d’auteur, à des prestataires externes… Ce projet de décret entérine ces dérives et ouvre la voie à une industrialisation de contenus non encadrés, désormais souvent générés par des intelligences artificielles sans supervision ni responsabilité éditoriale. Il envoie un message désastreux à la société : « Vous avez raison de ne plus croire en l’information réalisée par des journalistes, nous non plus ! »
Ce projet de décret inquiète particulièrement l’AJSPI dans les domaines sensibles couverts par le journalisme scientifique. La pluralité de profil et l’étendue des compétences des membres de l’AJSPI le démontrent : les journalistes professionnels sont capables de traiter l’information même la plus spécialisée. Le recours à des rédacteurs non journalistes ou l’absence de direction éditoriale digne de ce nom ne peut pas être justifiée par la technicité d’un titre.
La pandémie de COVID-19, la crise climatique, la généralisation de l’IA, les enjeux énergétiques ou de santé publique ont montré à quel point ces sujets complexes doivent être traités par des journalistes scientifiques professionnels, rompus à la méthode scientifique et aux règles déontologiques, afin d’éviter les manipulations et la propagation de fake news. Ce travail ne peut pas être confié à des rédacteurs non formés, à des contenus automatisés, ou à des soi-disant « experts » sans statut ni responsabilité éditoriale.
L’AJSPI demande donc, avec l’intersyndicale des journalistes :
- le retrait immédiat de ce projet de décret, qui dénature la mission de l’État envers l’information ;
- la réaffirmation du rôle central des journalistes professionnels dans toute publication éligible aux aides à la presse.
Nous le disons avec force : financer l’information, oui, mais pas sans journalistes professionnels.
Le bureau de l’AJSPI