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Maintenir l’intégrité de la barrière intestinale est absolument essentiel car lorsque sa perméabilité est altérée, des pathologies surviennent. Des chercheurs de l’Institut Curie, de l’Inserm et du CNRS révèlent un nouveau mécanisme par lequel des macrophages très singuliers contrôlent la qualité des fluides absorbés au niveau de l’épithélium du côlon. Ils protègent les cellules du côlon des substances toxiques produites par le microbiote. Publiés dans la revue Cell, ces travaux dévoilent une partie du dialogue entre système immunitaire, microbiote et épithélium du côlon et marquent une avancée phare dans la compréhension des mécanismes qui assurent le maintien de l’homéostasie et de l’équilibre intestinal.

Le tractus intestinal comprend différentes régions anatomiques et physiologiques. Au niveau du côlon distal (partie descendante du côlon), se déroulent des processus importants liés à la digestion et à l’absorption des fluides (eau, nutriments…). De plus, dans cette région, le microbiote abrite un grand nombre de micro-organismes et parmi eux, une population abondante de champignons qui sont susceptibles de produire des substances toxiques vis-à-vis des cellules. Quels sont les mécanismes qui permettent à la muqueuse colique de se protéger de telles substances fongiques nocives tout en absorbant les nutriments dont l’organisme a besoin ? Comment l’organisme parvient-il à maintenir l’intégrité de la barrière intestinale dans cette partie du côlon ?

L’équipe « Dynamique spatio-temporelle des cellules du système immunitaire » (Institut Curie, Inserm)[1] dirigée par Ana-Maria Lennon et l’équipe « Migration et invasion cellulaire » (Institut Curie, CNRS)[2] menée par Danijela Matic Vignjevic ont collaboré pour étudier cette régulation fine de l’absorption des fluides au niveau de la muqueuse du côlon dont les mécanismes demeuraient jusque-là très peu connus.

Les chercheurs[3] ont étudié une sous-population particulière de macrophages (cellules du système immunitaire). En réponse à des signaux provenant de champignons du microbiote colique, ces macrophages forment des protubérances « en forme de ballon » (BLP). Or, les scientifiques ont montré que lorsque les fluides absorbés contenaient des métabolites fongiques toxiques, ces BLP s’inséraient à la base des cellules de l’épithélium colique pour prélever et contrôler la qualité des fluides absorbés par les cellules épithéliales. Les macrophages peuvent alors « informer » de la présence de substances toxiques les cellules épithéliales qui stoppent l’absorption des fluides, empêchant ainsi l’empoisonnement et la mort cellulaire. Les chercheurs ont montré – in vivo – qu’en l’absence de ces protubérances « en forme de ballon » ou en absence des macrophages, les cellules épithéliales continuent d’absorber des fluides contenant des produits toxiques, conduisant à la mort cellulaire et la perte d’intégrité de la barrière intestinale.

« Nous ne nous attendions pas à découvrir ce mécanisme inédit et vital par lequel, dans le côlon distal, des macrophages permettent aux cellules du côlon de reconnaître les fluides toxiques et d’arrêter leur absorption, maintenant ainsi l’intégrité de l’épithélium et l’homéostasie locale », déclare Ana-Maria Lennon, directrice de recherche à l’Inserm et cheffe d’équipe à l’Institut Curie.

De quelle nature sont les signaux entre produits fongiques et macrophages ? Quelles sont les voies de signalisation qui permettent aux macrophages d’alerter l’épithélium du côlon ? Comment les cellules épithéliales reçoivent cette information ? Ces questions restent ouvertes et sont à l’étude pour pouvoir appréhender l’ensemble des processus physiologiques mais également comprendre certaines pathologies. En effet, des altérations de l’intégrité de la barrière épithéliale sont en cause dans un certain nombre de maladies telles que les colites ulcéreuses ou encore la maladie de Crohn.

Danijela Matic Vignjevic, directrice de recherche à l’Inserm et cheffe d’équipe à l’Institut Curie/CNRS, explique : « il nous reste désormais à élucider nombre de questions pour décrypter les signaux en jeu dans ce dialogue entre champignons du microbiote, macrophages et cellules épithéliales… notre objectif aujourd’hui : comprendre les voies de signalisation au niveau cellulaire et moléculaire pour appréhender voire même contrer les processus pathologiques ».

A voir sur YouTube : une animation scientifique sur ces résultats de recherche : https://youtu.be/-XsDs9bhAco  

1. Cette équipe, dirigée par Ana-Maria Lennon (Inserm), fait partie de l’unité « Immunité et cancer » (Inserm/Institut Curie/Université de Paris, Université PSL).
2. Cette autre équipe, dirigée par Danijela Matic Vignjevic (Inserm) fait partie de l’unité « Biologie cellulaire et cancer » (CNRS/Institut Curie/Sorbonne Université, Université PSL).
3. En collaboration avec des scientifiques du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CNRS/Inserm/AMU).

Référence :
Macrophages maintain epithelium integrity by limiting fungal product absorption. Aleksandra S. Chikina, Francesca Nadalin, Mathieu Maurin, Mabel San-Roman, Thibault Thomas-Bonafos, Xin V. L, Sonia Lameiras, Sylvain Baulande, Sandrine Henri, Bernard Malissen, Livia Lacerda Mariano, Jorge Barbazan, J. Magarian Blander, Iliyan D. Iliev, Danijela Matic Vignjevic and Ana-Maria Lennon-Duménil. Cell. https://doi.org/10.1016/j.cell.2020.08.048

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