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Des scientifiques embarqués à bord du Pourquoi pas ?, navire amiral de la Flotte océanographique française opérée par l’Ifremer et sa filiale d’armement Genavir, ont cartographié 16 monts sous-marins dans le Pacifique Nord au large du Mexique, dont 10 avaient été repérés par imagerie satellite et 6 autres encore jamais repérés.

Alors que la méthode d’imagerie satellite (ou altimétrie) permet d’obtenir des cartes globales de l’océan, elle ne permet de déterminer la topographie des fonds océaniques que de façon peu précise. Pour affiner notre connaissance des reliefs sous-marins, il est nécessaire d’avoir recours à des navires océanographiques, puis à des engins sous-marins. Aujourd’hui, seuls 26,1% des fonds marins ont été ainsi cartographiés. Pour participer à cet effort mondial, les navires de la Flotte océanographique française optimisent leurs trajets pour cartographier des zones encore peu étudiées. C’est ainsi que les transits de la campagne océanographique NODULE-2024 (financée au titre du programme France 2030 « Grands fonds marins » géré par l’Agence Nationale de la Recherche), en avril 2024, ont permis de réaliser une carte bathymétrique, de meilleure résolution que les cartes altimétriques, d’une zone de plus de 44 000 km² entre la ZEE du Mexique et la zone de Clarion-Clipperton. Dans ce secteur, 16 nouveaux monts sous-marins ont été cartographiés pour la toute première fois de manière directe par des navires océanographiques.

« Six de ces reliefs n’avaient jamais été identifiés auparavant, car ils sont de trop petite taille pour être détectés par altimétrie, explique Delphine Pierre, hydrographe à l’Ifremer. Les sondeurs multifaisceaux grands fonds du navire océanographique Pourquoi pas ? ont permis de dresser une carte bathymétrique 4 fois plus précise de 10 monts sous-marins déjà identifiés par mesure satellitaire, et de révéler l’existence de 6 autres « petits » monts sous-marins. »

Ces montagnes sous-marines, hautes de 600 à 3800 mètres environ, constituent généralement le seul relief dans des zones de plaines abyssales, situées à plus de 620 kilomètres de la côte la plus proche du Mexique continental.

Des points de relais pour la biodiversité, des abysses à la surface

Les monts sous-marins sont parfois les seuls substrats durs des plaines abyssales ; ils permettent la fixation d’invertébrés marins (éponges, coraux) de grande taille et la formation d’habitats pour d’autres espèces. Ils constituent ainsi des habitats singuliers et des relais pour la faune benthique fixée, mais également pour les espèces vivant dans la colonne d’eau, dont les mammifères marins qui viennent s’y nourrir.

« Le sommet le plus élevé de ces nouveaux monts sous-marins culmine à seulement 430 mètres sous la surface alors que le plancher océanique aux alentours est profond de plus de 4100 mètres, raconte Florian Besson, géologue à l’Ifremer, ce qui en fait nécessairement des structures exceptionnelles autant d’un point de vue hydrodynamique que de la biodiversité qu’elles peuvent abriter. »

La découverte et la cartographie de nouveaux monts sous-marins sont deux premiers pas pour mieux comprendre leur rôle dans le fonctionnement de l’océan global. Afin d’étudier le rôle de ces reliefs dans le développement de la biomasse, dans la dispersion des espèces marines et dans la dynamique océanique régionale, certains monts sont étudiés plus en détail et équipés d’observatoires sous-marins, tels que celui déployé sur les monts sous-marins de Nouvelle-Calédonie en 2023.