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Les mousses constituent un élément essentiel dans une multitude de boissons et d’aliments : de la bière à la crème de café, en passant par le pain et la crème glacéeMalgré leur omniprésence dans notre quotidien,  notre connaissance de ces systèmes hautement complexes reste limitée. La collaboration entre l’Institut Laue-Langevin (ILL) et l’Université d’Aarhus (Danemark) a permis d’utiliser des méthodes uniques pour étudier les mousses et répondre à des défis cruciaux pour la science de l’alimentation, contribuant ainsi à un avenir alimentaire plus durable.

Comprendre le comportement d’une mousse nécessite de caractériser sa structure. « Ce n’est pas facile ! » explique Leonardo Chiappisi, chercheur à l’ILL et coordinateur du Partenariat pour la matière condensée et la matière Molle (PSCM). Premièrement, parce que les paramètres structuraux pertinents d’une mousse s’étendent de l’échelle macroscopique jusqu’à l’échelle nanométrique. Et deuxièmement, en raison de la nature hautement instable de la mousse qui évolue rapidement depuis sa formation, son écoulement et son effondrement. « Vous n’avez qu’une seule chance pour étudier la structure d’un échantillon de mousse, et aucune technique unique ne peut fournir toutes les informations requises sur toutes les différentes échelles de longueur », explique Chiappisi.

La capacité d’obtenir une caractérisation complète et à grande échelle des mousses a été atteinte à l’ILL grâce à la conception d’un dispositif expérimental innovant, ainsi qu’au développement de méthodes d’analyse des données acquises. « Un échantillon de mousse est généré au sein de notre dispositif et la structure est ensuite étudiée in situ et sur différentes échelles de longueur en effectuant simultanément de la diffusion de neutrons aux petits angles (SANS), de l’imagerie et des mesures de conductivité électrique », explique Chiappisi.

La diffusion de neutrons aux petits angles (SANS) révèle des informations structurales sur un échantillon par l’interprétation du motif de diffusion produit par l’interaction d’un faisceau de neutrons avec l’échantillon. « La technique SANS est la seule technique capable de fournir des informations structurales à l’échelle nanométrique sur la mousse », explique Chiappisi. « Les diffractomètres D22 et D33 de l’ILL sont cependant inhabituels car ils sont tous les deux équipés de plusieurs détecteurs. Cela permet d’acquérir toutes les informations structurales pertinentes à l’échelle nanométrique en une seule expérience, ce qui est particulièrement crucial pour les systèmes instables tels que la mousse.

De plus, le diamètre relativement large du faisceau de neutrons permet de sonder des centaines de bulles de mousse à la fois, ce qui permet d’obtenir des données statistiquement significatives sans affecter l’échantillon de mousse grâce à la nature non destructive des neutrons. Des informations essentielles sur plusieurs échelles de longueur sont obtenues en combinant ces données avancées à l’échelle nanométrique avec l’imagerie optique, tandis que des informations sur la composition de la mousse – essentielles pour l’analyse quantitative des données – sont fournies par des mesures de conductivité électrique.

L’ILL se consacre à produire un impact sociétal en étendant l’accès aux techniques disponibles à l’ILL à tous les domaines pertinents de la science appliquée. Les capacités de caractérisation des mousses ont ainsi été présentées lors de nombreuses conférences, notamment lors de la conférence LINXS Northern Lights on Food, qui rassemble des expertises en science alimentaire avec des connaissances sur les méthodes de caractérisation neutronique et aux rayons X de pointe. « La science alimentaire implique des systèmes très complexes et de multiples techniques sont nécessaires pour mesurer les échantillons in situ, avec un minimum de perturbation et sur différentes échelles de longueur afin de comprendre pleinement la structure, la fonctionnalité et les interactions des différents composants », explique Milena Corredig, professeur au département des sciences alimentaires de l’Université d’Aarhus. « J’étais très enthousiasmée lorsque j’ai vu ce que Leonardo pouvait faire ! »

La tendance mondiale à adopter des régimes alimentaires plus durables, privilégiant les sources végétales  a créé la nécessité d’améliorer la compréhension et d’accélérer le développement des protéines végétales et des procédés qui leur sont associés. « Nous savons comment fouetter de la crème, mais si vous appliquez simplement ce processus aux protéines végétales, le résultat est mauvais : un mauvais goût, une mauvaise texture», explique Corredig.

En combinant leurs expertises, Chiappisi et Corredig ont œuvré pour rapprocher cet avenir alimentaire plus vert, en se concentrant d’abord sur l’albumine de pois – une protéine hydrosoluble extraite des pois qui a été identifiée comme une candidate prometteuse pour la création d’ingrédients moussants fonctionnels dans l’alimentation. « L’alimentation est essentiellement composée de matière molle et la diffusion de neutrons est un outil très puissant pour étudier les matériaux à l’état de matière molle », explique Chiappisi. « Mais venant du milieu de la science alimentaire, il est très difficile de traduire notre problème en une proposition d’expérience dans une installation comme l’ILL ; nous ne parlons pas le même langage », explique Corredig. « Je ne pense pas non plus en termes de transformées de Fourier inverses, donc l’analyse des données de diffusion est encore plus difficile ! »

La collaboration entre l’ILL et l’Université d’Aarhus – impliquant Ruifen Li (chercheur postdoctoral à l’Université d’Aarhus) et Julien Lamolinairie (doctorant à l’ILL) – a permis de développer un langage commun pour faire progresser les connaissances sur les mousses à base d’albumine de pois. Un travail significatif a d’abord été mené au sein du PSCM pour optimiser les procédures de préparation des échantillons, concevoir et démontrer la faisabilité de l’étude SANS avant de demander du temps de faisceau, ainsi que pour développer un modèle complet de mousses à base d’albumine de pois afin d’assurer une analyse significative des données de diffusion acquises. Les précieuses informations fournies par la caractérisation complète des mousses à base d’albumine de pois, récemment publiées dans le Journal of Colloid and Interface Science,  nous rapprochent de la création de cappuccinos à base de pois.

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