Les scientifiques estiment que l’océan absorbe 30 % des émissions de CO2 dues aux activités humaines. Véritable « pompe à carbone », il est ainsi un régulateur essentiel du changement climatique. De récents résultats publiés dans Nature Communications et Science Advances suggèrent que la contribution de l’océan profond, et plus particulièrement de sa biodiversité, dans cette pompe à carbone océanique est néanmoins mal estimée. Ces nouvelles découvertes pourraient permettre d’améliorer les modèles climatiques tels que ceux utilisés par le GIEC.
L’océan profond est un milieu peu accessible et méconnu. A travers ces deux publications, des scientifiques de l’Ifremer et d’organismes partenaires apportent aujourd’hui de nouveaux éléments pour mieux comprendre les processus qui gouvernent le passage du carbone présent dans la colonne d’eau supérieure vers l’océan profond où il peut être séquestré.
Les panaches hydrothermaux, de nouveaux « réservoirs » de carbone
« Les résultats de notre étude publiés dans Nature Communications révèlent que les panaches émis par les cheminées hydrothermales sont le siège d’une production de biomasse deux fois plus importante que d’ordinaire à ces profondeurs, explique Cécile Cathalot, biogéochimiste à l’Ifremer et première auteure de l’étude. Les communautés microbiennes qui se développent au sein de ces panaches constituent à la fois une oasis de vie et un réservoir de carbone majeur dont personne ne tient compte jusqu’à présent dans les bilans de carbone de l’océan profond ».
Les panaches hydrothermaux qui jalonnent les milliers de kilomètres de rides médio-océaniques ne participent certes pas directement à la captation du CO2. Mais les scientifiques estiment que les microorganismes qui vivent dans ces panaches transforment environ 3 % du carbone organique total dissous dans l’eau en carbone dit particulaire. Une fois sous forme de particule, ce carbone peut ensuite, soit être recyclé par d’autres microorganismes au sein du panache, soit couler au fond de l’océan pour y être séquestré.
Ces résultats seront affinés mais ils éclairent déjà la contribution significative des panaches et, plus largement, des environnements hydrothermaux à l’assimilation du carbone dans l’océan profond. Reste à intégrer ce nouveau paramètre dans les modèles de la pompe à carbone océanique mondiale, comme ceux utilisés par le GIEC, afin de simuler plus précisément l’évolution de notre système climatique.
Consulter la publication : https://doi.org/10.1038/s41467-021-26877-6
Les sédiments des abysses abritent trois fois plus de biodiversité que les masses d’eau
Pour la première fois, une équipe internationale de chercheurs (Norvège, Suisse, France, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Etats-Unis) et notamment de l’Ifremer, du CNRS, du CEA et de Sorbonne Université, a réalisé une étude de la biodiversité à l’échelle de l’océan global, depuis la surface jusqu’aux sédiments profonds. Ils ont séquencé massivement l’ADN environnemental extrait de 1700 échantillons d’eau et de sédiments profonds récoltés au cours de 15 campagnes océanographiques dans tous les océans. Publiés dans Science Advances, ces résultats inédits montrent que :
– Les sédiments des abysses abritent une biodiversité trois fois plus importante que celle du plancton de la colonne d’eau,
– Deux tiers des séquences ADN découvertes dans ces sédiments ne correspondent à aucune espèce ou aucun groupe d’espèces connus.
« En comparant la biodiversité présente dans les différentes couches océaniques jusqu’au fond, nous avons découvert que seule une faible partie des espèces ou groupes d’espèces de planctons atteint les sédiments après leur mort », commente Sophie Arnaud-Haond, chercheure en écologie évolutive à l’Ifremer et co-auteure de cette publication qui s’appuie notamment sur les inventaires de biodiversité réalisés dans le cadre du projet « Pourquoi pas les abysses?/eDNAbyss ». Et d’ajouter : « Ces espèces ou groupes d’espèces détectés dans les sédiments profonds ne sont pas nécessairement ceux que l’on pensait les plus importants pour la pompe à carbone dite biologique ». Ces nouvelles découvertes illustrent l’importance du rôle de la biodiversité dans les processus de transfert et d’enfouissement du carbone depuis l’atmosphère jusqu’au fond des océans.
Consulter la publication : https://doi.org/10.1126/sciadv.abj9309
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