Le supplice de l’incaprettamento, consistant à relier le cou et les chevilles d’une personne sur le ventre avec les genoux fléchis, conduisant à une auto-strangulation, a été pratiqué en Europe entre 5500 et 3500 ans avant notre ère. Une équipe française, dirigée par Éric Crubézy, professeur en anthropobiologie à l’université Toulouse III – Paul Sabatier et au Centre d’anthropobiologie et de génomique de Toulouse (CAGT – CNRS/UT3) ainsi que membre de l’Institut universitaire de France (IUF), a démontré que cette torture était associée à des sites agricoles. L’émergence du mégalithisme semble avoir marqué le déclin de cette pratique. L’étude a été publiée le 10 avril dans Science Advances.
L’incaprettamento est un supplice où le sujet, sur le ventre avec les genoux fléchis au maximum, a une corde attachée autour du cou et de ses chevilles. La fatigue aidant, les jambes vont se détendre et mettre la corde sous tension, provoquant ainsi l’étranglement de la victime. Aujourd’hui mode opératoire de certaines mafias italiennes, notamment pour punir des traîtres, l’incaprettamento n’est pour autant pas un moyen de torture récent. L’équipe du professeur Éric Crubézy a démontré qu’il était pratiqué au moins 5500 ans avant notre ère, puis ensuite sur une période de deux millénaires.
De l’Europe centrale jusqu’à la Catalogne, en passant par la vallée du Rhône, des fouilles archéologiques laissent apparaître les signes d’une diffusion de cette pratique, durant une époque des systèmes agro-pastoraux dans ces régions. L’un des principaux défis de l’étude est de pouvoir distinguer, sans aucune archive écrite, les sacrifices humains des autres formes de violence orchestrées lors d’un rite.
Or, les scientifiques ont observé un motif récurrent parmi les ossements humains exhumés, qui s’est propagé dans le temps et l’espace, notamment à Saint-Paul-Trois-Châteaux, dans la Drôme. Alors que les tombes consistent habituellement en un sujet en position fléchie, plusieurs squelettes dans des fosses interprétables comme des silos ont été retrouvés dans des positions suggérant une strangulation par ligature.
Les restes humains issus d’une fosse de Saint-Paul-Trois-Châteaux sont particulièrement informatifs. Les analyses du sol n’ont pas décelé la moindre trace de graines, soulignant encore davantage la dimension sacrificielle du site. La fosse était dans une structure en bois, dont les ouvertures étaient orientées en direction du lever du soleil au solstice d’été et de son coucher au solstice d’hiver. « Les études comparatives menées entre différents sites révèlent que, sur une durée de 2000 ans, la ressemblance entre sites et entre rites surpasse nettement les variations géographiques ou chronologiques », détaille Éric Crubézy. « Cela laisse entrevoir des valeurs partagées sur la longue durée au sein des populations de l’Europe centrale jusqu’à la Catalogne ».
Le Néolithique est une période de bouleversement pour les sociétés, dont l’économie est passée de prédation à celle de production avec le développement de l’agriculture. Les traces de ces rites disparaissent aux alentours de 3500 années avant notre ère, lorsque des changements culturels profonds émergent dans certaines de ces zones avec la diffusion du mégalithisme depuis les côtes atlantiques vers les zones méditerranéennes. « Les sites de rassemblements seront alors des dolmens où étaient accueillis, lors de rites différents, une partie des morts d’une communauté et où les supplices cruels semblent avoir disparus », conclut le professeur en anthropobiologie.
Contact presse
Valentin Euvrard
Chargé de communication scientifique
Université Toulouse III – Paul Sabatier
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