Vignette CCNE AJSPI

La France se trouve à un tournant crucial pour la gestion de sa filière plasma, secteur vital pour répondre aux besoins croissants en médicaments dérivés du plasma, indispensables à de nombreux patients atteints de pathologies graves. Dans ce contexte, le Comité Consultatif National d’Éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) publie son Avis 146, qui appelle à une réflexion approfondie sur l’avenir de la filière, au croisement des principes d’éthique fondamentaux et des exigences pratiques.

Une dépendance préoccupante au plasma étranger

Le plasma est un élément irremplaçable dans la fabrication de traitements pour des maladies auto-immunes, des déficits immunitaires ou des troubles hémorragiques sévères. En France, le modèle repose sur les valeurs d’altruisme, de gratuité et de non-commercialisation. Cependant, ce cadre est aujourd’hui mis à rude épreuve par des dysfonctionnements structurels.

La France dépend actuellement à 70 % du plasma importé, principalement des États-Unis, où la rémunération des donneurs est une pratique courante. Cette dépendance soulève des questions de souveraineté sanitaire et d’accès équitable aux traitements. En parallèle, les capacités nationales de collecte stagnent, notamment en raison du faible renouvellement des donneurs. La filière repose encore largement sur des donneurs historiques qui, pour beaucoup, ne connaissent pas l’existence ou l’importance du don de plasma.

Des tensions au cœur du système français

Le CCNE souligne les limites de l’organisation actuelle de la filière. Les rôles respectifs de l’Établissement français du sang (EFS) et du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) nécessitent une coordination accrue pour répondre aux attentes des patients tout en respectant les valeurs fondamentales du don.

Le récent règlement européen SoHO (Substances of Human Origin) introduit la notion de neutralité financière, remplaçant celle de don volontaire et non rémunéré. Cette évolution interroge le modèle français. Certains pays européens ont choisi d’adopter des formes de compensation financière ou d’avantages pour les donneurs. Ces pratiques, bien qu’acceptées dans certains contextes, restent éloignées des principes historiques français.

Un équilibre délicat entre éthique et pragmatisme

L’Avis 146 examine les tensions d’éthique entre deux impératifs : préserver les valeurs d’altruisme et de non-commercialisation du corps humain, tout en garantissant l’accès aux traitements vitaux pour les patients. Face à une augmentation constante de la demande et à une compétition internationale exacerbée, la France est confrontée à un dilemme.

Le CCNE réaffirme son attachement au principe de gratuité du don, mais ouvre la voie à des ajustements pratiques. Parmi eux, une meilleure reconnaissance de l’engagement des donneurs, une communication renforcée sur l’importance du don de plasma, notamment auprès des jeunes générations, et une optimisation des capacités de collecte sont proposées. Ces ajustements doivent s’inscrire dans une logique de neutralité financière sans compromettre les fondements d’éthique du modèle.

Cinq recommandations pour un avenir durable

Le CCNE propose cinq axes principaux pour repenser la filière tout en respectant les valeurs fondamentales :

  1. Renforcer la communication : Informer clairement le grand public sur l’importance du don de plasma et créer un sentiment d’appartenance collective autour de cet acte altruiste.
  2. Optimiser l’organisation de la filière : Améliorer la coordination entre les acteurs, l’EFS et le LFB, tout en rationalisant les processus pour accroître l’efficacité.
  3. Maintenir la neutralité financière : Respecter le cadre européen tout en préservant le principe de non-commercialisation du corps humain.
  4. Valoriser les donneurs : Mettre en place des actions concrètes pour reconnaître leur engagement et fidéliser les donneurs actuels.
  5. Encadrer les prescriptions : S’assurer d’un usage rationnel et conforme aux recommandations des autorités de santé pour éviter le gaspillage des ressources.

Garantir la souveraineté sanitaire et préserver les valeurs fondamentales du don

Dans un marché international où la demande en plasma dépasse largement l’offre, il est impératif que la France renforce sa souveraineté sanitaire. Cela implique de trouver un équilibre entre pragmatisme et éthique, en adaptant le système français aux réalités tout en protégeant les principes d’altruisme, de gratuité et de non-commercialisation.

Karine Lefeuvre, vice-présidente du CCNE, et Jean-François Eliaou, membre du CCNE, rapporteurs de l’Avis 146, insistent sur l’importance de cette démarche : « Toute évolution structurelle de la filière plasma doit se faire dans l’intérêt exclusif des patients, avec une attention particulière portée aux donneurs. Le don de plasma est bien plus qu’un geste médical, c’est un acte de solidarité qui incarne des valeurs fondamentales de notre société. »

Un appel à la mobilisation collective

L’Avis 146 du CCNE invite à une réflexion collective pour répondre aux défis majeurs posés par la pénurie de plasma. Les citoyens, les professionnels de santé et les décideurs doivent unir leurs efforts pour garantir à la fois l’accès aux traitements vitaux et la pérennité du modèle français.

Pour découvrir l’Avis dans son intégralité, cliquez ici.

Contact presse :
Juliette Sempé
️ juliette.sempe@comite-ethique.fr
📞 06 48 80 96 56