Fourmi Cataglyphis velox portant de la nourriture positionnée dans le système de réalité virtuelle.  Crédit : Antoine Wystrach

Les fourmis possèdent des capacités cognitives suffisamment sophistiquées pour prédire avec précision les conséquences visuelles de leurs propres mouvements. Autrement dit, elles anticipent comment leur représentation visuelle va se transformer selon leur déplacement et ce qu’elles perçoivent de leur environnement.  C’est ce qu’indique une étude menée par Océane Dauzère, doctorante à l’université Toulouse III – Paul Sabatier au sein du Centre de recherche sur la cognition animale (CRCA-CBI – CNRS/UT3), publiée le 1er décembre dans Nature Communications. Ce résultat remet en question les limites cognitives des insectes, les rapprochant davantage des vertébrés. 

Plusieurs travaux soutiennent non seulement que les vertébrés mais encore certains invertébrés, notamment les céphalopodes (comme les pieuvres), les crustacés décapodes (crabes, homards, écrevisses, crevettes) et certains insectes, sont capables de se représenter le monde externe, et donc d’avoir une conscience de ce monde. L’étude menée par Océane Dauzère apporte des indices en ce sens en affirmant que les fourmis sont capables de prédire ce qu’elles vont observer avant même de se déplacer.

La capacité à anticiper les conséquences sensorielles de ses propres actions est désormais considérée comme une fonction essentielle des systèmes nerveux. La nouveauté réside dans le fait que les insectes, malgré un cerveau rudimentaire, réalisent des prédictions visuelles bien plus sophistiquées qu’on ne le pensait.

Pour démontrer cette hypothèse, la doctorante de l’université Toulouse III – Paul Sabatier a utilisé un dispositif de réalité virtuelle unique. Les fourmis étaient placées sur une balle flottante qui agissait comme un tapis roulant lorsqu’elles marchaient, permettant d’enregistrer précisément leurs mouvements. En parallèle les images d’un environnement réaliste étaient projetées autour d’elles de manière à suivre, ou non, leur déplacement.

« Les résultats ont révélé des mécanismes prédictifs surprenants : les fourmis adaptent leurs attentes visuelles selon leur milieu », explique Océane Dauzère. « Elles anticipent et calculent mentalement la façon dont leur vue va se transformer en fonction de leur propre déplacement »

Cette prédiction n’est pas un simple enregistrement mécanique mais une anticipation active qui intègre plusieurs informations sensorielles. En variant le poids de la balle, les scientifiques ont aussi démontré que la proprioception – la perception des mouvements corporels – joue un rôle crucial dans ces prédictions.

« Ces travaux nous incitent à réexaminer notre compréhension des capacités cognitives des invertébrés. Ils suggèrent que les cerveaux d’insectes réalisent des calculs complexes, réduisant ainsi la distance importante souvent perçue entre invertébrés et vertébrés, et nous invitant à repenser les définitions traditionnelles de l’intelligence », conclut la doctorante.

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Valentin Euvrard
Chargé de communication scientifique 
Université Toulouse III – Paul Sabatier

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