Illustration cerveau

Une étude menée par des scientifiques d’Aix Marseille Université, de l’AP-HM, de l’Université de Tours et du CHRU de Tours, en collaboration avec le CNRS et l’Inserm, révèle l’impact cérébral du stress émotionnel collectif exprimé sur les réseaux sociaux pendant le confinement de 2020. Grâce à une approche interdisciplinaire originale combinant imagerie cérébrale et analyse de millions de tweets, l’équipe a mis en évidence une diminution du métabolisme dans des régions clés du cerveau impliquées dans la régulation des émotions et de la peur chez des sujets neurologiquement vulnérables. Ces résultats sont publiés dans la revue Frontiers in Nuclear Medicine.

Quand le climat émotionnel collectif s’imprime dans le cerveau

La France a vécu des confinements inédits au cours de la pandémie de COVID-19. Pour de nombreux citoyens, cette période a été marquée par une forte charge émotionnelle, largement exprimée sur les réseaux sociaux. Une équipe de chercheurs a voulu savoir si ce stress collectif se traduisait par des modifications mesurables dans le cerveau humain.
Dirigée par le Pr. Eric Guedj (Aix Marseille Université / APHM) en collaboration avec le Pr. Wissam El-Hage (Université de Tours / CHU de Tours), l’étude s’appuie sur l’analyse d’imageries cérébrales de 95 patients atteints de pathologies neurologiques, croisées avec l’intensité quotidienne des émotions négatives (peur, tristesse, colère…) exprimées dans plus de deux millions de tweets géolocalisés en France, entre mars et mai 2020.

Les jours où ces émotions négatives étaient collectivement les plus intenses, les chercheurs ont observé une baisse significative du métabolisme cérébral dans le cortex préfrontal ventromédian (vmPFC) et le cortex cingulaire antérieur (ACC), deux régions centrales du réseau cérébral de la peur, connues pour leur rôle dans la gestion des émotions et du stress.

Un pas de plus vers les neurosciences de population

Ce travail s’inscrit dans le champ émergent des neurosciences de population et de l’« enviromique », qui étudient l’effet des environnements sociaux et émotionnels sur le cerveau humain. Il participe également à une compréhension élargie des interactions entre cerveau, corps et environnement, en soulignant comment les stress collectifs peuvent influencer à la fois les réponses cérébrales et physiologiques. Il démontre qu’un climat émotionnel collectif – ici exprimé numériquement – peut se traduire par des modifications cérébrales objectivables.

Ces résultats pionniers ouvrent des perspectives pour de futures recherches visant à évaluer la généralisation de ces effets à d’autres populations, ainsi que leur éventuelle persistance à long terme. Cette approche pourrait permettre de mieux anticiper les conséquences du stress collectif, en identifiant à la fois des marqueurs de vulnérabilité individuelle et des signaux d’alerte à l’échelle populationnelle — posant ainsi les bases de stratégies de prévention ou d’intervention ciblées en santé mentale, notamment en contexte de crise. Elle pourrait également être transposée à d’autres formes de stress collectif, comme les conflits géopolitiques ou sociaux, ou encore les catastrophes naturelles liées au changement climatique.

« Nos résultats illustrent l’importance des interactions entre société et cerveau. En révélant un lien entre le climat émotionnel collectif et des biomarqueurs cérébraux objectifs, cette étude ouvre de nouvelles perspectives en neuroscience sociétale pour mieux comprendre et prévenir les effets des crises collectives sur la santé mentale », commente le Pr Eric Guedj.