Fascinée par l’ingéniosité du vivant, la journaliste Florence Rosier, lauréate du Prix du journaliste scientifique AJSPI pour l’année 2020, a su s’adapter tout au long de sa carrière, sans perdre sa capacité de s’émerveiller. Portrait.
Florence Rosier, lauréate du Prix du journaliste scientifique 2019 de l’AJSPI, est un exemple de curiosité fructueuse. Cette passionnée de balades en montagne a toujours été fascinée par le vivant et son inventivité, fascination qui l’a guidée tout au long de sa carrière dans le journalisme scientifique et qu’elle a su transmettre dans ses articles. Mais pour y arriver, Florence a dû faire preuve d’adaptation… comme la faune et la flore de cette nature qui la captive.
Portée par cet intérêt pour le monde du vivant, elle entreprend une formation d’ingénieur agronome à Rennes puis à Paris-Grignon, mais se redirige ensuite vers sa passion du moment, la génétique, avec une thèse de docteur ingénieur sur l’immunologie des cancers à Montpellier, suivie d’un postdoctorat de biologie moléculaire à l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC, aujourd’hui nommée Fondation ARC pour la recherche sur le cancer). Rapidement, elle réalise que sa curiosité est bien trop vaste pour se focaliser sur un seul sujet : « Pendant ma thèse il m’est arrivé de devoir faire des présentations sur mon travail et j’avais bien aimé cet exercice de vulgarisation, révèle Florence. Je me suis rendue compte que je voulais raconter des histoires autour de la science, tout en couvrant un plus vaste registre du savoir. » Un désir qui a su éclore au moment où le magazine Pour la science cherchait un scientifique pour renforcer son équipe rédactionnelle : « Par chance, j’ai vu leur annonce, et même si je n’avais pas le profil demandé — ils cherchaient un docteur en sciences physiques — j’ai postulé et j’ai fini par être embauchée dans cette revue scientifique, où je suis restée cinq ans. »
Commence ainsi une nouvelle vie autour des découvertes de la foisonnante créativité du vivant. Et autour de la joie de les expliquer et de les partager avec les lecteurs. La jeune journaliste se lance dans des domaines aussi variés que la génétique — et plus tard, l’épigénétique —, l’évolution, les mystères du cerveau, ou encore, plus récemment, l’architecture biomimétique. « Quand on voit le panel d’inventions de la nature, on ne peut être qu’étonné, ébloui… Cette inventivité souligne l’importance de la préservation de la biodiversité. » Selon les périodes, elle sera rédactrice permanente pour les magazines de l’Inserm et du CNRS, ou pigiste pour plusieurs grands titres, dont La Recherche et Le Point. Puis, une opportunité se présente dans le journal qui l’avait toujours intéressée : « J’étais une lectrice régulière du Monde. Quand j’ai lu qu’ils ouvraient un cahier Science je les ai aussitôt appelés et j’ai demandé s’ils ne cherchaient pas des journalistes pour les aider, se souvient-elle en souriant. Ils m’ont demandé ce que je pouvais proposer comme sujet. J’ai pensé au portrait du généticien Miroslav Radman, que je venais de réaliser dans le cadre d’une formation. Sur le moment, ce fut une source de stress d’imaginer que ça pouvait tomber à l’eau, car cela a pris quelques semaines avant que ce portrait ne soit publié. Mais au final, ils m’ont aussi demandé d’écrire un dossier sur le vieillissement. Cerise sur le gâteau, il a fait la une du journal… »
Réenchanter le savoir
La journaliste, qui collabore désormais très régulièrement avec Le Monde, continue d’évoluer… comme la nature, qui « invente mille et un tours pour s’adapter à l’environnement en permanence. » Elle découvre ainsi sans cesse de nouveaux sujets d’intérêt : « Lors de mes études, je m’intéressais à la génétique et à l’évolution, pas du tout à la botanique, alors qu’aujourd’hui les secrets des plantes et des fleurs m’intéressent beaucoup », remarque-t-elle amusée. Comme guidée par une destinée écrite dans son nom, Florence redécouvre les fleurs, ces « redoutables séductrices » qui témoignent de l’ingéniosité du vivant : « Les végétaux sont parfois négligés par le journalisme scientifique, alors que c’est un monde extraordinaire. Chaque espèce a développé ses propres adaptations, et c’est toujours très amusant à raconter. Quand on est journaliste scientifique, on gagne évidemment à multiplier ses domaines d’intérêt. Il ne faut pas hésiter à s’attaquer à de nouveaux sujets, qui recèlent souvent des pépites méconnues ! »
De son expérience, Florence retient quelques conseils pour les jeunes pousses du journalisme scientifique : « Cherchez à surprendre : j’aime être surprise quand je lis un article, que ce soit par les découvertes elles-mêmes ou par la façon dont le sujet est traité. Et restez capables de vous émerveiller des avancées de la science. Sans pour autant, bien sûr, être naïfs ! ». Ce qu’elle réussit avec talent notamment dans son enquête sur l’architecture biomimétique*, où d’un côté elle nous captive avec cette approche qui consiste à imiter le vivant, dans le but de créer des bâtiments plus efficaces énergiquement et moins gourmands en matériau, et de l’autre nous prévient qu’il faut rester critiques, car certaines entreprises utilisent cette démarche pour faire de l’écoblanchiment. Un travail de nuance qui inspire ses confrères plus débutants. « Mais je veux surtout rappeler aux jeunes journalistes qu’il faut garder la possibilité d’être enchantés par le monde et essayer de transmettre cet émerveillement au public, il faut réenchanter le savoir ! »
Nicolas Gutierrez C.
* parue dans le cahier Science & Médecine du Monde daté 4 décembre 2019