Nicolas Martin est le lauréat 2021 du prix de journaliste scientifique AJSPI. A 45 ans, ce littéraire aux passions multiples a su conjuguer son goût pour la radio et la science-fiction, en créant « la méthode scientifique » : une émission qui respire l’aisance, le naturel et l’écoute active de ses invités.
Athlétique et rapide, Nicolas Martin arrive au studio 652 à la Maison de la Radio. Chemise en vichy noir et blanc, moustache épaisse cachée derrière son masque, lunettes cerclées de noir. Depuis fin 2016, il produit et anime l’émission « La méthode scientifique » sur France Culture. L’exercice paraît simple : une conversation de bon niveau scientifique avec des experts pointus, à l’attention de tous les publics. Les auditeurs, ses invités, son équipe aussi, tous s’accordent à dire que Nicolas met la science à la portée de chacun. Bien loin de la banale vulgarisation qui simplifierait tout. « On sort de l’émission avec plus de savoir. La culture scientifique est infusée sans en avoir l’air. Comme une histoire que l’on raconte ». Les émissions sont montées avec une fluidité déconcertante. « C’est mon équipe chouchou. Une expérience humainement enrichissante », revendique Olivier Bétard, réalisateur à Radio France depuis 24 ans, dont 3 avec Nicolas.
Mardi 22 juin 2021, ses deux invités parlent d’archéologie de l’espace : cette science qui consiste à rechercher les traces des anciennes galaxies. A distance, l’astrophysicienne Vanessa Hill est dans son laboratoire à Nice. En studio, Nicolas Martin reçoit Nicolas Martin, son homonyme astronome, non sans un trait de connivence pour ce hasard des noms. Ce spécialiste d’archéologie galactique s’est déplacé de Strasbourg « parce que rien ne vaut l’échange direct », surtout après ces mois de confinements. Et il n’est pas déçu. « Nicolas est quelqu’un de très dynamique. C’est très facile d’entrer en discussion avec lui. La conversation est spontanée ». Contacté dix jours avant l’émission par l’équipe de Nicolas, il se retrouve en interaction avec lui seulement le jour même. « J’ai été très impressionné par sa connaissance de l’astronomie », savoure l’astrophysicien.
Maintenir les auditeurs au bon niveau de flottaison
« Cela doit être clair sans que cela soit évident ». Nicolas Martin, le journaliste, se décrit comme un magicien, un maïeuticien qui extrait des experts scientifiques, leurs questionnements et les transcrit. « L’ambition c’est d’être à la fois accessible aux non scientifiques et une référence pour les scientifiques. On surfe sur la ligne de crête, du petit bain au grand bain. A des moments, on a pied. Puis on n’a plus trop pied mais on est en autonomie, on a des bouées ». L’émission est un va-et-vient entre des reformulations quand la parole du scientifique est trop complexe et des relances avec une question pertinente et de bon niveau quand la personne de science simplifie trop son message. « On voit que c’est bien préparé, souligne l’astronome. L’information est à la portée de tous. « On n’est plus à l’époque où le savoir doit être rébarbatif et vertical. Ce n’est pas de la science de vieux placards d’université. » Et pourtant, sa manière donne l’impression de beaucoup d’improvisation. Il arrive au studio à la dernière minute à 15h55, briefe les invités en 3 minutes chrono. Et hop, c’est parti pour 45 minutes d’échanges.
« Une heure après, on est plus intelligent et on a l’impression de connaître les invités », s’émerveille Nathaniel Herzberg, journaliste scientifique et membre du jury de l’AJSPI. « C’est ce que j’aime dans la radio, l’émotion et la voix. Un travail difficile aussi: l’intelligence de relancer et de s’effacer ensuite. » Nicolas Martin est « quelqu’un de travailleur, de curieux et de passionné. » Tout savoir sur tout, là n’est pas la question. « Je ne sais rien, je ne connais rien, je suis un passeur de savoir», reconnaît Nicolas.
Journaliste radio comme une évidence
Casque sur les oreilles, un petit geste de la main. Des échanges complices avec la régie : lancer le jingle, enchaîner avec un reportage, les actualités scientifiques. Tout est bien rodé.
Sa première pige remonte au 6 décembre 2002. Il fêtera l’année prochaine ses 20 ans de radio. La radio ? Un choix qui s’est imposé à lui. Étudiant, il travaillait déjà pour une radio associative. A 25 ans, inscrit en première année de thèse de lettres avec « une voie toute tracée en ligne de mire », il a dit non à l’autoroute rectiligne : « Je ne pouvais pas ‘renoncer au monde’ aussi vite ». Il rejoint Infonie en tant que secrétaire de rédaction. C’est l’époque de la bulle internet, avec la concentration des acteurs. La société est rachetée, il se retrouve licencié avec une enveloppe qu’il investit aussitôt dans une formation en radio de 5 semaines au CFPJ. Son diplôme en poche, il se présente à Radio France. En réponse, on lui suggère d’aller faire ses armes sur le terrain. C’est ce qu’il fera durant 3 ans, à commencer par la locale de France Bleu Béarn à Pau, un de ses territoires d’origine. Et les sciences dans tout ça ? « Je suis venu à la science par la science fiction. » Entre les deux, il n’y a qu’un pas. D’ailleurs son émission « La méthode scientifique » traite alternativement de sciences et de science-fiction, en vases communicants. Petit, les sciences rôdaient autour de lui : « J’étais baigné dans l’actualité des sciences. Mon père lisait ‘Science et Vie’. ». Celui-ci travaillait chez Hachette. « J’adorais – déjà – la science fiction. J’avais accès à des collections entières. »
Au Lycée, « je voulais faire médecine, de la neurochirurgie : mettre mes doigts dans le cerveau des gens .. ou bien psychiatrie. » Mais les maths et la physique sont ses bêtes noires. Il n’a pas les résultats suffisants et démarre des études de lettres. C’est finalement par sa voix qu’il entre dans le cerveau de ses auditeurs en leur instillant chaque jour avec finesse des brins de culture scientifique.
Valérie Handweiler