À l’occasion de son 80ᵉ anniversaire1, l’Institut national d’études démographiques (Ined) met en lumière l’évolution des perceptions des Français sur les enjeux démographiques grâce à l’enquête Pop Aware, réalisée dans le cadre du panel Elipss. Cette étude, réalisée par Virginie De Luca Barrusse (Université Paris 1), Cécile Lefèvre (Université Paris Cité | Ined) et Jacques Véron (Ined), souligne l’importance des questions de population dans l’opinion publique et leur lien avec les enjeux économiques, sociaux et environnementaux.
Un intérêt constant pour les questions démographiques
Depuis les années 1950, les Français manifestent un vif intérêt pour les questions démographiques. L’enquête Pop Aware de 2018 montre que 92 % des répondants jugent ces enjeux « importants » ou « très importants » en France, un chiffre en hausse par rapport à 88 % en 1959. Cet intérêt transcende toutes les catégories sociales. Pour certains, le sujet revêt même une importance capitale. Les cadres et professions intellectuelles supérieures sont légèrement plus nombreux dans ce cas (30 %), contre 25 % des agriculteurs exploitants. L’âge influence également les réponses : 42 % des plus de 60 ans jugent les enjeux démographiques mondiaux « très importants », contre 29 % des moins de 35 ans, qui sont aussi les plus nombreux (12 %) à considérer ces questions peu importantes. Enfin, un intérêt marqué pour la politique s’accompagne d’une sensibilité accrue aux questions démographiques : plus de 98 % des personnes très intéressées par la politique les considèrent comme importantes ou très importantes, contre 80 % de celles qui y portent peu ou pas d’intérêt.
Une population stable, un choix plébiscité
Plus des deux tiers des répondants souhaitent que la population « reste stationnaire », une tendance stable depuis les années 1950. Ce résultat contraste avec l’immédiat après-guerre, quand l’accroissement de la population était privilégié, et avec les années 1970, quand la crainte d’une « dépopulation » dominait les débats publics. Les motivations derrière cette préférence à la stabilité de la population évoluent : 36 % des réponses évoquent des raisons économiques, telles que l’emploi et la compétitivité, tandis que 27 % sont d’ordre démographique (équilibre entre générations, vieillissement) et 25 % témoignent de préoccupations environnementales, comme la gestion des ressources. L’âge influence ces préférences : 74 % des 18-35 ans plébiscitent la stabilité, mais ils sont aussi les plus nombreux (13 %) à souhaiter une diminution, souvent pour des raisons écologiques. À l’inverse, 30 % des plus de 60 ans favorisent une augmentation, mettant en avant des enjeux économiques et sociaux.
L’environnement au cœur des préoccupations des jeunes générations
Parmi les personnes interrogées, 91 % savent que la population mondiale augmente, et près de 75 % perçoivent cette croissance comme un risque, notamment pour les ressources naturelles et l’équilibre écologique de la planète. Les principales préoccupations évoquées incluent l’épuisement des ressources, les tensions alimentaires, et l’impact environnemental lié à la surpopulation.
Parmi les questions de population jugées les plus importantes (cf. tableau), les effets de la croissance démographique mondiale sur le développement durable constituent la principale préoccupation de toutes les classes d’âge. Les jeunes générations s’y montrent particulièrement sensibles : 55 % des moins de 30 ans considèrent que les effets de la croissance démographique mondiale sur le développement durable constituent le principal enjeu, contre seulement 41 % des 60-69 ans. De plus, 28 % des trentenaires identifient les déplacements de population liés à l’environnement et au changement climatique comme une priorité, un chiffre nettement supérieur à celui des plus de 70 ans (14 %). En comparaison, les générations plus âgées sont davantage préoccupées par les effets des contextes politiques et économiques sur les migrations (23 % des plus de 70 ans, contre seulement 7 % des moins de 30 ans, voir tableau ci-dessous).
À propos des données L’enquête Pop Aware a été conduite en septembre-octobre 2018, dans le cadre du dispositif d’enquête par panel sur Internet Elipss (Étude longitudinale par Internet pour les sciences sociales) destiné à la communauté scientifique. Dans ce dispositif, les panélistes, âgés de 18 à 79 ans et sélectionnés aléatoirement par l’Insee, répondent tous les mois à des questionnaires différents. Celui de Pop Aware a été adressé à 2 590 panélistes ; 2 148 l’ont rempli, soit un taux de réponse de 83 %, ce qui situe l’enquête parmi celles ayant les meilleurs taux de réponse, au-dessus de 80 %. Le recours à des pondérations assure la représentativité de l’échantillon. |
180 ans de recherche et de diffusion des savoirs démographiques Depuis sa création en 1945, l’Ined s’est attaché à diffuser les connaissances sur les dynamiques de population et à éclairer les débats publics. Les célébrations des 80 ans de l’Ined, prévues tout au long de l’année 2025, mettront en avant les contributions de l’Institut aux sciences de la population. Ces temps forts seront l’occasion de réfléchir collectivement à l’avenir des dynamiques démographiques et à leur rôle dans les grands défis contemporains. |
Pour en savoir plus, consultez l’article publié dans la revue Population 2024/1 Vol. 79 :
Virginie De Luca Barrusse, Cécile Lefèvre et Jacques Véron, 2024, Que pensent les Français des dynamiques démographiques en France et dans le monde ?, Population (édition française) 79 : 13-40.
DOI : 10.3917/popu.2401.0013
La revue Population, éditée par l’Ined, est une revue scientifique référencée par les instances d’évaluation, dont l’objectif est de garantir la qualité et l’intégrité de la recherche scientifique publiée. L’intégralité des articles sont gratuitement accessibles depuis le site de l’Ined.
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