Butinant physique, histoire des sciences et philosophie, il a fui la recherche pour mieux la décrire. Rencontre avec Sylvain Guilbaud.
Lauréat 2019 du prix AJSPI du journaliste scientifique de l’année, Sylvain Guilbaud est chef de rubrique physique/astro à La Recherche. Du haut de ses 34 ans, sa carrière de journaliste n’est pas encore très longue mais déjà riche grâce à son caractère curieux et critique. Alors qu’il est peut-être aujourd’hui à un tournant professionnel, avec les difficultés de son journal, c’est l’occasion pour cet esprit voyageur de revenir sur son parcours, ses nombreuses explorations et sa vision du journalisme.
Mais commençons par le début. Né en 1986, Sylvain grandit à Tours et suit un parcours scolaire exemplaire. Quand est-il tombé amoureux des sciences ? Jamais en fait. Les sciences l’intéressent, mais la philosophie lui plaît tout autant. Son orientation vers un parcours scientifique est donc avant tout un choix de raison. Après deux ans de classe prépa’ dans le prestigieux lycée parisien Louis le Grand, il intègre l’Institut d’Optique où il découvrira la mécanique quantique et sa dimension presque philosophique auprès de grands physiciens. Sylvain ne veut pas devenir ingénieur et débute donc une thèse… qu’il ne finira jamais.
De la chrysalide à la métamorphose
Le jeune scientifique ne résiste pas à la tentation de papillonner. Il lit mille et une choses, explore l’histoire et la philosophie des sciences. Il ne se reconnaît décidément pas dans une vision du scientifique focalisé uniquement sur son sujet. Sylvain bifurque donc naturellement vers le journalisme scientifique et intègre l’ESJ Lille. C’est pour lui le moyen de s’intéresser à tous les sujets qui lui plaisent, avec le côté transmission en plus. Il se construit un autre point de vue sur la science, cultivant notamment l’idée que la science n’est pas la propriété des scientifiques.
Quel est le rôle du journaliste ? Il y a bien sûr autant de définitions que d’intéressés, mais lui aime « raconter des histoires vraies – par opposition à la fiction – et rendre compte de ce qui se passe dans le monde ». Dans les sciences, il se méfie du journaliste « wahou » qui cache sous le tapis ce qui ne va pas. Sylvain voit plutôt le journalisme comme une contemplation active. En pratique, ses maîtres-mots sont « rechercher, synthétiser et transmettre ». L’écriture n’est pour lui que la partie immergée de l’iceberg.
C’est dans une cave sombre d’un pub parisien que j’avais rencontré Sylvain en mars 2019 – à un apéro de l’AJSPI. Ex-physicienne comme lui, il m’avait conseillée avec bienveillance sur la reconversion dans le journalisme. Sylvain aime les rencontres avec d’autres journalistes, mais aussi les visites de laboratoire organisées par l’AJSPI. Et en dehors du travail ? Pas de sport pour ce poids plume – « juste du tennis à la télé ». En revanche, la musique, c’est son truc. Il aime le saxophone ténor et joue du jazz à ses heures perdues.
Tel Psyché : des épreuves aux ailes de papillon
Diplômé en 2013, il connaîtra deux ans de « galère de pigiste débutant ». Il écrit pour Ciel & Espace, La Recherche, Science & Vie Junior – pour qui il reviendra sur la découverte du boson de Higgs. Sylvain fait également un passage à Radio France et découvre la précarité qui y règne. Il collectionne de précieuses rencontres au sein des rédactions, qui l’aideront par la suite. Et comme pour Psyché qui se voit doter d’ailes de papillon dans la mythologie grecque, les épreuves laisseront place à la reconnaissance : le rêve de Sylvain de trouver une place dans une rédaction se réalise en septembre 2015 lorsqu’il fait son entrée à La Recherche.
La dimension collective – discuter au sein d’une rédaction des sujets, avec le maquettiste… – est pour lui indissociable du journalisme. Parmi tous les articles réalisés pour La Recherche, bon nombre lui donneront une certaine fierté. « J’ai pu m’y épanouir », confie-t-il. Mais Sylvain Guilbaud est inquiet car le magazine est dans la tourmente. La question du financement est « la clé de tous les débats » pour Sylvain. La profession est trop critiquée, alors que la qualité de ce que produit un journaliste dépend avant tout de ses conditions de travail.
Lucile Veissier